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d'Honoré
d'Estienne d'Orves
par sa fille Rose
Rose d'Estienne d'Orves vient chaque année à Nantes pour y remettre le prix de l'Institut des hautes études de défense nationale (Ihedn) qui porte le nom de son père : « J'ai une tendresse particulière pour Nantes. Cette ville où mon père, le comte Honoré d'Estienne d'Orves, a envoyé le premier message de la France occupée à Londres, et où il a été arrêté le 22 janvier 1941 par les Allemands sur dénonciation du radio qu'il avait recruté. »
Et quand Gérard Frappier, adjoint-au-maire, a lancé l'idée d'une visite du Mont-Valérien, elle a proposé d'en être le guide : « C'est un lieu de mémoire où, entre 1940 et 1944, plus de mille hommes, dont mon père, ont été fusillés par les Allemands. »
« Je voulais juste qu'il rentre avec nous »
En ce jour pluvieux, au pied de l'immense Croix de Lorraine en grès des Vosges et de la flamme allumée, elle attend. Sur l'esplanade du Mont-Valérien qui domine Paris : « Je suis émue de raconter mon père aux Nantais ». Avec cette immense admiration qu'elle porte à cet homme qu'elle a trop peu connu : « J'avais 6 ans en 1941. Alors qu'il était à la prison de Fresnes, au cours d'une visite, je le vois descendre l'escalier, les mains dans les poches. Je ne comprenais rien. Je voulais seulement qu'il rentre avec nous à la maison. »
Et Rose d'Estienne d'Orves raconte le calvaire et le courage de son père et celui de ses compagnons de résistance. Avec détails et précision, grâce aux nombreuses lettres que son père a écrites pendant sa captivité et aux témoignages recueillis. Notamment, celui de l'aumônier allemand Franz Stock qui l'accompagna pendant ses mois de détention : « Mon père était un fervent catholique. L'abbé Stock a été une aide précieuse pour tous les prisonniers de Paris. Non seulement comme prêtre, mais il passait du courrier et d'autres choses entre eux et leurs familles. »
Ses derniers mots : « Vive la France! »
Si l'Histoire retient le comportement du capitaine de corvette d'Estienne d'Orves, c'est qu'il a été particulièrement admirable : « Pendant tout le procès, il a minimisé la responsabilité des autres membres du réseau Nemrod arrêtés avec lui. Il a tout assumé. Et pendant les sept mois de prison, il a soutenu ses codétenus. »
L'arrivée à la clairière, où les Allemands fusillaient les résistants, est particulièrement émouvante :« Mon père et ses deux compagnons, Maurice Barlier et Yan Doornik, ont obtenu de n'avoir ni les yeux bandés ni les mains entravées. Alors, mon père s'est avancé vers le président Keyser, celui qui l'avait condamné et qui allait donner l'ordre de tirer : Vous êtes officier allemand. Je suis officier français. Nous avons fait tous les deux notre devoir. Permettez que je vous embrasse. » Avant de crier une dernière fois : « Vive la France ! »
Si Rose d'Estienne d'Orves milite depuis de nombreuses années pour une réconciliation franco-allemande, c'est aussi en mémoire de son père. Dans une ultime lettre à sa soeur, la veille de sa mort, il lui écrivait : « Que personne ne songe à me venger. Je ne désire que la paix dans la grandeur retrouvée de la France. »
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