La Resistance en Bretagne
La résistance s’est manifestée très tôt en Bretagne. Dès juin 1940, on note des évasions maritimes de civils et de militaires souhaitant poursuivre le combat. Parmi eux, les hommes de l’île de Sein, des élèves de l’Ecole de pilotage de l’armée de l’Air, ou encore d’autres de l’Ecole d’hydrographie de Paimpol. Par la suite, grâce à sa proximité des côtes britanniques, la Bretagne reste un lieu privilégié d’évasion maritime, que ce soit pour permettre à des résistants poursuivis de s’échapper ou à d’autres de transmettre de précieux renseignements à Londres. Les aviateurs alliés sont aussi rapatriés par l’intermédiaire des réseaux d’évasion qui se mettent en place dès 1942. La présence de ports militaires importants comme Brest et Lorient (base sous-marine) et de grandes villes incite les Britanniques et la France Libre à envoyer des émissaires afin de créer des réseaux de renseignements. Parallèlement, en juin-juillet 1940, des groupes locaux apparaissent ici et là pour aider les prisonniers de guerre à s’évader – comme le groupe Gallais à Fougères -, afin de faire de la contre propagande manifestant ainsi l’existence d’une population non résignée.
Ces groupes diffusent tracts et papillons, recueillent des renseignements et assurent des sabotages. Des individus isolés écrivent des slogans sur les murs, sectionnent des câbles électriques, des lignes téléphoniques. La répression allemande se manifeste tout de suite : arrestations et exécutions. Des manifestations patriotiques ont lieu à plusieurs reprises, à la Toussaint 1940 à Brest ou lors d’enterrements d’aviateurs alliés, d’anniversaires de bombardements allemands. A Lanester, le 30 décembre 1940, les obsèques de trois aviateurs anglais abattus par la DCA2 rassemblent ainsi deux mille personnes. A Rennes, en 1941, l’anniversaire du bombardement allemand du 17 juin 1940 est marqué par un rassemblement de trois à quatre mille personnes qui entonnent La Marseillaise. Le commandant de gendarmerie Guillaudot ne charge pas les manifestants, ce qui lui vaut sa mutation à Vannes, où il organise la résistance dans le Morbihan un peu plus tard. Enfin, la population suit les mots d’ordre du général de Gaulle transmis par la BBC. Le parti communiste se réorganise rapidement et, originalité de la région, mène des actions de propagande et de sabotages (usines, arsenaux et ateliers SNCF) dans le cadre de l’Organisation spéciale (OS) dès l’automne 1940. Les autres forces politiques ne réapparaissent que tardivement ou au travers des mouvements et réseaux qui se créent comme partout en zone nord. Les réseaux 1 Bougeard Christian et Saincliver Catherine, article « Bretagne », Dictionnaire historique de la Résistance, collection Bouquin, édition Robert Laffont, 2006, p. 273-275. 2 Les définitions des termes et des sigles en bleu sont explicités dans un abécédaire à un la fin de ce document. 3 de renseignement sont soumis à une forte répression mais renaissent tel le réseau Johnny, devenu Ker en 1942 avant de disparaître.
Tous ces réseaux de renseignement ont pour objectif majeur les ports militaires de Brest et de Lorient. Les agents sont des officiers de marine comme le lieutenant de vaisseau Philippon, des ingénieurs comme Alphonse Tanguy ou Jacques Stosskopf à Lorient. Ils appartiennent à la confrérie Notre-Dame du colonel Rémy au réseau Alliance, etc. Les réseaux d’évasion d’aviateurs alliés utilisant les côtes bretonnes prennent une grande ampleur à partir de 1942, avec le réseau Var (Redon, Rennes, côtes nord de la Bretagne) ou encore en 1944 avec le réseau Shelburne qui permet le rapatriement de cent-vingt-quatre aviateurs alliés. Si la résistance est présente dès 1940 en Bretagne, elle se développe avec une relative lenteur en 1941, pour connaître une nette accélération à partir de 1942. Ces deux années se caractérisent par une intense activité ainsi qu’une structuration croissante de la résistance.
D’abord localisée dans les villes et sur les côtes, elle s’étend peu à peu dans les bourgs ruraux avant de gagner les campagnes. Les mouvements qui s’implantent en Bretagne sont les grands mouvements de la zone nord : Libération-nord, le Front national, Défense de la France et dans une moindre mesure l’Organisation civile et militaire (OCM). Si les bombardements alliés détruisent complètement Lorient en 1943, Rennes, touchée également cette même année, reste un lieu central pour la résistance bretonne lorsqu’il s’agit tout à la fois de l’unifier et de coordonner les actions armées. En effet, aux sabotages relativement simples des débuts succèdent des attentats à l’explosif contre des bâtiments, des voies de communication, des attentats individuels contre des collaborationnistes et des policiers chargés de la répression. Une bonne partie de ces actions a d’abord été menée par les francs-tireurs et partisans français (FTPF), mais peu à peu l’action armée s’organise et se développe autour de trois mouvements appelés à fusionner (FTPF, Armée secrète et Organisation de résistance de l’armée) – une fusion souvent difficile à réaliser. Les FTPF, adeptes des coups de main, de plus en plus pourchassés en ville par les diverses polices, commencent à s’implanter par petits groupes dans le monde rural. L’AS, qui rassemble les groupes armés des mouvements non communistes, est présente dans toute la région et, en 1944, participe largement aux sabotages et attentats de la Résistance. Enfin, l’ORA existe surtout dans le sud de la France. L’une des particularités est l’apparition relativement tardive des maquis, la plupart au printemps 1944. La densité d’occupation, la répression menée par l’occupant et par la milice Perrot (à peine quatre-vingts indépendantistes extrémistes nazis) affaiblissent la résistance et les maquis, nombreux après le 6 juin 1944. Ceux-ci se développent surtout dans le centre de la Bretagne (Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan).
Cette répression a provoqué en retour une épuration extrajudiciaire frappant 581 collaborateurs et miliciens. En même temps que l’accroissement de son action armée, la résistance bretonne prépare la libération sur le plan civil. Les Comités départementaux de libération (CDL) sont mis en place à partir de la fin de l’année 1943, par des hommes comme Tanguy Prigent ou Charles Foulon en Ille-etVilaine (SFIO et Libération-Nord). C’est le commissaire de la République Victor Le Gorgeu qui les installe dans la clandestinité ; ancien sénateur-maire de Brest, radical-socialiste, il est l’un des sept parlementaires finistériens à avoir voté « non » à Pétain le 10 juillet 1940. Tous les CDL bretons sont touchés par la répression, de nombreux membres sont tués, arrêtés ou déportés. Á partir du « Jour J », les résistants respectent les consignes de sabotages qui permettent de désorganiser les communications de l’ennemi et de retarder l’envoi des troupes allemandes sur le front normand. On assiste alors à une levée en masse favorisée par le parachutage du bataillon SAS qui s’installe à Saint-Marcel. La présence de deux bases SAS et de nombreuses équipes Jedburgh a permis de ravitailler en armes nombre de maquisards qui repartaient dans leur zone pour reprendre le combat.
A partir de la percée d’Avranches, les Forces françaises de l’intérieur – 35 000 hommes début août 1944 – apportent une aide précieuse à la 3e armée américaine en fournissant des renseignements et en « nettoyant » après leur passage, et ce sont eux, qui, aidés des Américains, ont tenu la poche de Lorient jusqu’à la capitulation allemande du 11 mai 1945. 4 2 – Pages départementales 2.1. Côtes d’Armor ? Rappel historique3 Dans le département des Côtes-d’Armor, Cotes-du-Nord à l’époque, 60 000 hommes sont mobilisés en septembre 1939. Si nombreux sont les agriculteurs concernés, les entreprises métallurgiques qui travaillent pour la Défense nationale ont pu conserver leur personnel. C’est par exemple le cas des entreprises Tanvez à Guingamp et Chaffoteaux à Saint-Brieuc. A la déclaration de la guerre des réfugiés arrivent dans le département. Lors de la débâche de mai 1940, il faut compter 300 000 personnes réfugiées dans les Côtes-du-Nord, poussées par l’Exode. Tout au long de la guerre, le département accueille également des populations qui ont vu leurs villes bombardées. C’est le cas d’habitants de Brest ou du Havre. Les Allemands arrivent à Rennes le 18 juin. Le même jour, ils prennent position à Saint-Brieuc et à Guingamp. Il faut attendre le 22 pour les voir arriver à Lannion. Au total, 27 000 soldats originaires du département sont faits prisonniers à l’issue de la campagne de France. Dès le début de l’occupation, les restrictions et le rationnement sont le quotidien des Costarmoricains. Á Dinan, au cours du printemps 1941, on ne trouve plus de viande au marché pendant plusieurs semaines. C’est le cas aussi dans plusieurs villes de la côte comme Matignon ou Perros-Guirec. Les produits laitiers, les légumes et le poisson manquent également. L’hiver suivant, ce sont le beurre, les œufs et le cidre qui manquent à Lannion. Ces restrictions augmentent le mécontentement des habitants qui ont le sentiment que les Allemands profitent davantage des denrées alimentaires. Les Allemands surveillent les côtes pour éviter que les pêcheurs ne se rendent en Angleterre ou ne se rendent complice d’extraction de résistants ou de pilotes alliées abattus par la DCA. La pêche n’est autorisée que de jour et à moins de trois milles des côtes. Lorsqu’une évasion est repérée, l’interdiction totale de pêcher est décrétée pour plusieurs semaines.
Les marins doivent s’embaucher dans les fermes pour survivre. Si les Allemands ciblent les côtes costarmoricaines, c’est qu’elles sont bel et bien le point de départ vers la Grande-Bretagne. Déjà, les 17 et 18 juin 1940, huit bateaux de commerce appareillent au Légué en emportant plus de 600 personnes parmi lesquelles, des civils mais aussi des soldats français, anglais et polonais. Le 19 juin, le yacht Le Manou part de Paimpol. Les Bretons partis en juin 1940 rejoignent le général de Gaulle en Angleterre. Parmi eux, le marin Charles Guillois de PortBlanc, est chargé par Jean Marin4 de lancer les appels du général de Gaulle en breton sur les ondes de la BBC. Il y a encore quelques évasions par la mer au début de l’année 1941, notamment au départ de Paimpol. Le 15 janvier 1942, c’est la vedette La Korrigane qui échappe au contrôle allemand en partant de l’île de Bréhat pour rallier Portsmouth. Toutes les tentatives ne parviennent pourtant pas à toucher leur but. Le cotre Le Buhara est interpellé en février 1941 au large de Guernesey avec une quinzaine d’hommes à son bord. En 1943, le Viking part de Saint-Quay-Portrieux. Essuyant une tempête, 19 réfractaires au STO se retrouvent à Guernesey. Jugés, ils sont déportés dans des prisons et des camps en Allemagne. Seulement six sont revenus. En plus des restrictions alimentaires et économiques, les Allemands tentent de réquisitionner des hommes, notamment pour l’organisation Todt, chargée de l’édification du mur de l’Atlantique. Des rafles sont organisées pour lutter contre les réfractaires au STO.
Á Rostrenen, le 25 février 1944, 75 personnes sont arrêtées. 25 d’entre elles restent détenues parce qu’elles auraient refusé de travailler à Brest. Une rafle à Callac se déroule le 9 avril 1944 et vise 200 personnes. Parmi elles, une trentaine d’hommes sont des réfractaires au STO. Le début de l’occupation allemande dans les Côtes-du-Nord est marqué par quelques formes d’opposition à la Wehrmacht. Ainsi, la répression qui touche plusieurs Briochins peut se matérialiser par six mois de prison pour « insultes à militaire allemand », huit mois et demi pour « coup de pied à 3 Bougeard Christian, Le choc de la guerre dans les Côtes-du-Nord, 1939-1945, Paris, Gisserot, 1945, 157 p. 4 Voir la notice le concernant pour le département du Finistère, p.13. 5 un soldat allemand » et jusqu’à cinq ans pour « injures envers le Führer ». Le premier fusillé des Côtes-du-Nord, Ange Dubreuil, est passé par les armes le 5 décembre 1940 pour s’être battu avec un soldat allemand à Dinan. Yves Coantin, boucher à Saint-Adrien, est fusillé le 9 avril 1941 pour le motif de « coups de couteau à un soldat allemand ». Ces actes d’opposition antiallemands sont majoritairement relevés dans le Trégor, au nord-ouest du département. La population doit aussi faire face à l’arrivée de troupes de l’Est dont les débordements échappent souvent à la Wehrmacht.
Des scènes de pillage sont notées à Bourseul et dans la région de Plancoët. Des vols, des viols, et des dégradations sont signalées en mars 1944 du côté d’Erquy, Pléneuf et Planguenoual. La résistance à l’ennemi s’exprime aussi par la lacération d’affiches allemandes comme c’est le cas dès septembre 1940 à Lamballe. Le mois précédent, les premiers sabotages, des fils électriques coupés, sont notés à Lescouët-Jugon et à Lannebert. Le 11 novembre 1940, des tracts sont distribués à Paimpol et à Guingamp. Le 25 décembre, l’ordre est donné par le général de Gaulle aux habitants de rester chez eux pendant une heure l’après-midi du 1er janvier 1941. Cette directive est suivie notamment à Saint-Brieuc. Début 1941, dans les cinémas, les spectateurs de l’Arvor à Guingamp sifflent lorsqu’Hitler apparaît à l’écran, et de violentes manifestations accompagnent les actualités allemandes à Saint-Quay-Portrieux. D’autres manifestations publiques sont recensées dans le département. Au lycée Anatole Le Braz, à SaintBrieuc, l’ensemble des élèves sauf un, quitte la classe lorsqu’un professeur pro-allemand compare Jeanne d’Arc et Napoléon à Hitler. Les fêtes patriotiques comme le 14 juillet ou le 11 novembre sont autant d’occasions pour la population de manifester son opposition.
Á Ploeuc, des jeunes gens défilent en chantant la Marseillaise. Le maire est révoqué. A Saint-Brieuc, certains Briochins se promènent dans le centre de la ville en arborant les couleurs tricolores. Un premier réseau de renseignement, Georges France 31 est créé fin 1940-début 1941 autour de Suzanne Wilborts, l’épouse du médecin de l’île de Bréhat. Leur fille, Marie-José5 (Chombart de Lauwe après la guerre), alors âgée de 17 ans, sert d’agent de liaison entre Rennes et Bréhat. La Confrérie Notre-Dame du colonel Rémy6 est aussi présente dans le département mais son principal agent est arrêté en mai 1942 avec 13 autres personnes. Les réseaux Jade et Pat O’Leary ont également des antennes dans les Côtes-du-Nord. Plusieurs opérations d’évasions maritimes sont mises en place en 1943 et surtout en 1944 avec le réseau Shelburne. En neuf opérations, 143 personnes regagnent l’Angleterre grâce à ce réseau basé à Plouha. Les principaux mouvements de résistance dans le département sont le Front National, LibérationNord, l’OCM et Défense de la France. Les actes de sabotages connaissent un pic le second semestre de l’année 1943 et surtout en mai 1944, quelques semaines avant le débarquement en Normandie. Le printemps 1944 voit grossir les rangs des maquis du département. Celui de Squiffiec compte jusqu’à une cinquantaine d’hommes. Il en existe d’autres près de Lannion, à Ploubezre et Louannec.
Au sud de Guingamp, des maquisards se sont installés dans la forêt de Malaunay. Ces petits maquis pratiquent le harcèlement des forces allemandes après le débarquement. La libération des Côtes-du-Nord s’effectue conjointement par les Américains et les FFI. Après la percée d’Avranches le 31 juillet, les Allemands se replient vers les ports, notamment Brest et Lorient. Les FFI prennent position dans les villes avant l’arrivée des Américains, même si quelques combats ont lieu, notamment à Merdrignac le 3 août. Le 6 août, les Américains entrent dans SaintBrieuc mais il faut attendre le 14 pour voir Tréguier définitivement libérée et le 17 pour Paimpol. Les FFI servent souvent d’éclaireurs pour les forces américaines et luttent conjointement pour une plus grande efficacité. A Lanvallay, Américains et FFI se battent côte à côte pour libérer la commune. L’épuration judiciaire a frappé plus de 500 collaborateurs dans l’ensemble du département
L'Allemagne nazie envahit la France, la Belgique, le Luxembourg, pourtant neutre, et les Pays-Bas le 10 mai 1940.
Le gouvernement désemparé se replie de Paris à Bordeaux dès le 11 juin. La France est envahie. C’est l’exode vers le sud.
Le président du Conseil, Paul Reynaud, est contraint de démissionner. Le maréchal Pétain forme alors un nouveau gouvernement et obtiendra les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940. La République est abolie.
Dès 1940, la Bretagne fourmille de résistants actifs, pour une raison très simple : sa position géographique et maritime fait d’elle une région stratégique. Ses occupants doivent redoubler de surveillance, mais ses alliés se réjouissent des possibilités de résistance qu’elle offre. Les réseaux de renseignements se multiplient, notamment autour des bases, des chantiers navals, de la construction du mur de l’Atlantique ou encore des mouvements de troupes. La région regorge de filières d’évasion et constitue une entrée inespérée sur le territoire français. Des Bretonnes, voire des familles entières mères, filles, sœurs s’engagent dans la résistance à travers de nombreux postes clés.
Le 14 juin 1940, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 20 ils sont à Brest, le 22 à La Rochelle, à Lyon...
Le 22 juin 1940, la France écrasée signe l'Armistice. Les Allemands mettent en place toute une série de mesures pour limiter sur le territoire la circulation des personnes et des marchandises et le trafic postal entre deux grandes zones délimitées par la ligne de démarcation qui sépare la zone libre où s’exerce l’autorité du gouvernement de Vichy, de la zone occupée par les Allemands.
En Bretagne comme dans beaucoup de régions de la zone occupée, les premiers actes de résistance sont des actes réflexes qui se situent en dehors de tout mot d'ordre. Ces actes manifestent une hostilité et une rage certaine devant la situation dans laquelle se trouvent le pays et a fortiori la région mais sont sans lendemain. Ils peuvent prendre la forme de lacération d'affiches allemandes comme à Vannes le 14 juillet 1940, de sifflets lors des actualités cinématographiques comme à Rennes à la même période ou encore de sabotages. C'est ce que Jacqueline Sainclivier, professeure d'histoire contemporaine à l'université de Rennes 2, a appelé la résistance a-organisationnelle. Certaines actions peuvent paraître puériles mais elles rappellent à la population que la guerre et l'Occupation ne sont pas acceptées par tous et que même modestement, on peut agir. Durant les mois qui suivent, les actes qui appartiennent à la résistance a-organisationnelle tendent à disparaître au profit d'une résistance pré-organisationnelle. Plus organisée et plus collective, cette forme de résistance est souvent liée à l'écoute de la BBC. C'est ainsi que lorsque le général de Gaulle demande aux Français de ne pas sortir de chez eux entre 15 heures et 16 heures le 1er janvier 1941, les rues bretonnes sont désertes. Dans le même esprit, les Bretons sont nombreux à déposer des gerbes sur les monuments aux morts lors des dates anniversaires du 14 juillet ou du 11 novembre et à participer aux enterrements d'aviateurs britanniques tombés sur le sol breton alors que toute manifestation est interdite. Annonçant une organisation à venir, la résistance pré-organisationnelle s'oriente vers la propagande (réalisation de tracts ou de journaux clandestins), le renseignement, les sabotages, l'aide aux évasions de prisonniers de guerre ou encore la récupération d'armes.
Durant les années 1940-1941, la propagande et les sabotages sont surtout le fait de la Résistance communiste. Dissous en 1939, le PCF tente de se réorganiser avec plus ou moins de succès, devant contourner les obstacles de la désillusion et de la confusion idéologique. En Bretagne, une direction régionale clandestine est mise sur pied dès l'été 1940. Dès lors, le PCF crée les premiers groupes armés de l'Organisation Spéciale (OS) en octobre 1940 à Brest, en janvier 1941 à Rennes et en avril 1941 dans les Côtes-du-Nord, c'est-à-dire là où il était solidement implanté avant la guerre. En Bretagne, le FN (Front National de lutte pour l'indépendance de la France) n'apparaît qu'à la fin de l'année 1941, soit plus de six mois après sa création par la direction communiste nationale. Durant ces premières années d'Occupation, les communistes se distinguent également par la tactique des attentats individuels. A Nantes, le 20 octobre 1941, un attentat a lieu contre le commandant allemand Hotz. Ordre est alors donné de fusiller sur-le-champ 50 otages. Le 22 octobre 1941, 48 otages sont finalement exécutés dont 27 à Châteaubriant, la plupart communistes. Cette répression brutale a un effet considérable sur l'opinion et la Résistance, Châteaubriant devenant d'emblée le symbole de la barbarie nazie et rapidement celui du martyre communiste.
Obsèques à Nantes du lieutenant colonel Hotz
A Nantes sont célébrées les obsèques du lieutenant colonel Hotz, abattu lors d'un attentat. Selon le commentateur, la foule émue répond à l'allocution du Maréchal Pétain qui appelle les français "à se dresser contre les complots de l'étranger".
20 oct 1941
01m 06s
A-organisationnelle ou pré-organisationnelle, la Résistance bretonne se rôde dans les années 1940-1942. Elle prend réellement son essor en 1943 en se dotant de structures plus efficaces. Des organismes communs sont créés et les liens avec Londres sont renforcés.
Premier élément à prendre en compte, le réseau. Un réseau peut avoir pour vocation le renseignement, l'évasion ou l'action, bien que les frontières permettant d'établir cette typologie soient extrêmement ténues. Au fil des années, les Alliés accordent de plus en plus d'importance aux réseaux de renseignements dans la perspective d'un prochain débarquement, mais les premiers réseaux de renseignement apparaissent dès juillet 1940 en Bretagne. Les renseignements portent avant tout sur les bases et les chantiers navals, la construction du mur de l'Atlantique ou encore les mouvements de troupe. Les réseaux d'évasion doivent quant à eux permettre le passage au Royaume-Uni de résistants pourchassés ou d'aviateurs alliés abattus au-dessus de la France. En Bretagne, les premiers réseaux d'évasion apparaissent à la fin de l'année 1942 comme Shelburn. Ce dernier permet le rapatriement de plus de 130 pilotes à partir de Plouha entre la fin du mois de janvier et le début du mois d'août 1944. Pour ce faire, une importante logistique est nécessaire. Les résistants doivent fabriquer ou faire fabriquer de faux papiers pour les aviateurs, trouver des planques afin de les héberger le temps que l'opération se "monte", les ravitailler et enfin trouver des moyens de transport afin qu'ils gagnent la côte. Le dernier type de réseau, probablement celui qui demeure le plus présent dans la mémoire des Français car le plus spectaculaire, est le réseau d'action. Sa principale mission est le sabotage, toujours dans l'optique des combats de la Libération auxquels il doit prendre part. L'un des plus importants réseaux d'action dans la province bretonne et qui appartient au Special Operation Executive est le réseau Parson. En attendant le jour-J, les résistants s'entraînent par petits groupes à la guérilla et au maniement des armes dans des fermes isolées. En fort développement de 1942 à 1944, les réseaux s'implantent davantage en ville qu'à la campagne, exception faite des réseaux d'action. Beaucoup sont toutefois réprimés à la fin 1943 et au printemps 1944, ne pouvant jouer le rôle qui leur incombait à la Libération.
La seconde forme d'organisation de la Résistance n'est autre que le mouvement. Les mouvements se forment souvent autour d'un groupe d'amis qui ont en commun le refus de l'occupation allemande. En Bretagne, les quatre principaux mouvements de la zone occupée que sont l'Organisation Civile et Militaire (OCM), Libération-Nord, Défense de la France (DF) et le Front National (FN) sont présents. Exception faite de ce dernier, ces mouvements apparaissent en 1942 dans la région. Deux de ces mouvements seront ici analysés. Défense de la France est le mouvement non-communiste le plus puissant – avec Libération-Nord – en Bretagne. Créé par le prêtre Sennelier en 1942, le mouvement lutte contre la STO avec un service de faux papiers à Rennes mais se concentre principalement sur la diffusion de son journal éponyme. Entre l'été 1943 et mai 1944, chaque numéro est diffusé en Bretagne à environ 15000 exemplaires. De tendance modérée, DF a tout de même eu une activité militaire avec des attaques de mairies pour prendre des tickets d'alimentation ou des listes de personnes convoquées au STO. De juillet 1943 à mai 1944, mois durant lequel le mouvement est quelque peu décimé, DF est dirigé par Maurice Prestaut. L'écrivain Pierre Herbart dit Le Vigan prend ensuite le relais et poursuit les activités du mouvement tout en participant à l'unification de la Résistance bretonne. Dernier cité mais premier né, le Front National est quant à lui créé par des communistes et lié à l'organisation militaire clandestine du PCF qu'étaient les FTPF. Pour autant, le FN s'ouvre très rapidement à des non-communistes. De la même manière, si le FN est surtout présent en ville à ses débuts, il s'étend progressivement dans les campagnes bretonnes, qu'elles soient de tradition communiste ou non. Dès lors, le mouvement peut accentuer son activité qui consiste en la fabrication et la diffusion de tracts et journaux clandestins, l'élaboration de faux papiers, l'hébergement de résistants recherchés et de réfractaires au STO ainsi que le soutien matériel auprès des FTPF.
Enfin, la Résistance bretonne développe des groupes armés à partir de 1943 mais surtout en 1944. Entre attentisme – c'est-à-dire attendre le débarquement pour agir mais s'entraîner en vue de ce jour J – et action immédiate, l'attitude de ces groupes diffère. Au premier courant appartiennent les membres de l'ORA (Organisation de la Résistance de l'Armée) et de l'AS (Armée Secrète), au second les FTPF ou le groupe armé du FN.
L'ORA naît en Bretagne durant l'été 1943 et se développe principalement dans le sud-Finistère et le Morbihan. A la veille du débarquement, elle compte quelque 8 000 hommes prêts à agir. L'AS est créée en mars 1943 dans la région. Elle regroupe les formations issues de l'OCM, de DF, de Libération-Nord et est essentiellement présente dans le Morbihan. L'ORA se caractérise par une forte proportion d'officiers et de sous-officiers qui entrent véritablement en action dans les jours qui suivent le débarquement, un choix exactement contraire à celui des FTPF. Ces derniers se sont constitués fin 1941 - début 1942. Si les communistes occupent tous les postes de responsabilité jusqu'en 1942, ce n'est plus le cas ensuite, la faute à une série d'arrestations qui oblige la direction à faire appel à des non-communistes. Malgré la répression, les effectifs des FTPF augmentent sensiblement à partir de 1943 et s'étendent depuis les villes jusqu'aux petits villages bretons en 1944, année de formation de leurs maquis. Les membres de ces groupes conservent le plus longtemps possible leur activité professionnelle et ne se regroupent que pour le temps de l'action afin d'être difficilement localisables.
Au final, cette Résistance bretonne se caractérise tout d'abord par l'importance des étrangers. Si la région n'est pas une terre d'immigration, des Espagnols s'y sont réfugié avant la guerre, allant jusqu'à former un mouvement de résistance spécifique avec l'Union Nationale des Espagnols en Ille-et-Vilaine. Celle-ci se caractérise ensuite par la jeunesse de ses effectifs. Les 20-30 ans sont en effet les mieux représentés – 45% des résistants pour 33% de la population adulte totale. Les 40-49 ans sont également surreprésentés, ce qui correspond à la tranche d'âge des anciens combattants de 14-18. Ces derniers n'ont donc pas tous suivi les yeux fermés, loin s'en faut, le maréchal Pétain. La Résistance est composée à 85-90 % d'hommes et à 10-15% de femmes, alors que ces dernières forment un peu plus de la moitié de la population totale. Si la part des femmes paraît donc relativement faible, il faut cependant noter que ce geste militaire ou politique qu'est l'acte de résistance est étranger aux mentalités féminines de l'époque. Il s'agit donc d'un phénomène nouveau qui, par nature, ne peut être absolu.
Simone Chaye, résistante
Native de Dinan, Simone Chaye a reçu la médaille des Justes, pour son action durant la guerre. Femme de Gauche, elle milite dès les années 30 puis s'engage dans la Résistance. Avec son groupe Fraternité, elle a sauvé de nombreux enfants juifs.
01m 56s
Enfin, si toutes les catégories sociales sont présentes dans la Résistance bretonne, certaines sont surreprésentées et d'autres sous-représentées par rapport à leur proportion dans la population totale. Trois groupes sociaux dominent : les ouvriers, les commerçants et artisans et les employés du secteur public. Si le patriotisme se retrouve peu ou prou dans tous les engagements résistants, la lutte antifasciste menée par le PCF et la SFIO est au cœur de celui des ouvriers. Cette lutte s'accentue avec l'aggravation des conditions de travail, l'absence de libertés syndicales et politiques, la diminution du pouvoir d'achat ou encore l'instauration du STO durant l'Occupation. Très mobiles (laissez-passer, voitures) et disposant de facilités de ravitaillement, les artisans et commerçants jouent également un rôle déterminant dans la Résistance. Enfin, comme le précise l'historien François Marcot, les employés du secteur public sont très présents dans la Résistance par leur grande fonctionnalité. En effet, la Résistance les intègre car eux seuls peuvent fournir des faux papiers, certains renseignements et assurer tant de liaisons. A une échelle plus locale, il ne faut pas oublier le rôle important de certains secrétaires de mairie, instituteurs et de certains prêtres. A l'inverse, les employés du secteur privé et les agriculteurs sont sous-représentés, ces derniers n'apparaissant en effet que très tardivement – pas avant 1943 – dans la Résistance.
Le retour à la terre prôné par Vichy et le mythe Pétain ne sont certainement pas étrangers à cette faible place, comme la méfiance vis-à-vis d'une Résistance urbaine, et le fait que certains agriculteurs n'ont pas vu un seul Allemand durant toute la durée de l'Occupation. Pour autant, les agriculteurs sont aussi absents des partis collaborationnistes. Toutes ces données rassemblées, et en suivant les travaux de Jacqueline Sainclivier, on peut raisonnablement penser que les résistants agissant dans une organisation, forment 1 à 2 % de la population adulte dans les trois mois précédant le débarquement du 6 juin 1944.
Géographiquement, les villes et les côtes sont les premières à abriter des résistants en raison de la forte concentration de troupes allemandes, des professions qui y sont représentées, plus utiles à l'action résistante, et de leur rôle primordial pour les réseaux de renseignement et d'évasion. Au contraire, les cantons ruraux sont plus tardivement gagnés par la Résistance qui recherche alors l'éloignement des troupes allemandes. Mais l'implantation et l'évolution géographique de la Résistance s'expliquent également par le poids des mentalités collectives. Les régions de tradition politique "rouge" sont plus propices au développement de la Résistance - on pense aux ports de pêche du Finistère ou à Saint-Nazaire par exemple -, à l'instar des régions "bleues", c'est-à-dire des régions qui sont républicaines depuis le XIXe siècle. En revanche, les régions "blanches" ou chouannes sous la Révolution – l'est de l'Ille-et-Vilaine par exemple – n'abritent que peu de résistants. A l'échelle régionale toujours, le pays bretonnant (l'ouest de la Bretagne) connaît une résistance plus active que le pays gallo (l'est de la région).
Le 6 juin 1944, 150 000 soldats allemands stationnent en Bretagne. Face à eux, les FFI (Forces françaises de l'Intérieur) regroupent les FTPF et l'AS, même si des tensions subsistent. Manquant d'armes, ils espèrent avec impatience les parachutages d'armes. Avec l'intensification de leur action, ils doivent faire face à la répression croissante des forces d'occupation et des milices. Entre février et juin 1944, des responsables départementaux de mouvements sont arrêtés et les difficultés augmentent. Malgré tout, après le 6 juin 1944, l'insurrection a bien lieu et les actes de guérilla se multiplient à partir des maquis. D'origine spontanée ou organisés par la France Libre, ces maquis se développent principalement à partir de la fin 1943. Ils sont soutenus par des missions interalliées telles que les missions Jedburgh qui doivent assurer une liaison étroite entre les Alliés et la Résistance et favoriser l'armement de cette dernière. A partir de 1944, les maquis sont très nombreux et très hétérogènes : leur taille, leur mobilité, leur composition et leur temps de vie diffèrent très largement. Des combats acharnés ont lieu comme en témoigne l'attaque du maquis Saint-Marcel et des civils vivant aux alentours par les Allemands au mois de juin 1944. Une trentaine de résistants sont tués quand les Allemands perdent dix fois plus d'hommes. Pour la première fois, l'occupant est tenu en échec par la Résistance. Jusqu'à la fin de juillet 1944, les actions de guérilla se poursuivent et les FFI jouent un rôle clé dans la libération de la région. Après la percée d'Avranches, l'armée du général Patton entre à Rennes le 4 août 1944 en compagnie des FFI bretons.
Les FFI en Bretagne
Dans les faubourgs en ruines de Brest et Hennebont, les FFI combattent et reconquièrent le territoire. Ils font prisonniers les soldats allemands. Les Généraux Allard et Borgnis-Desbordes passent ensuite en revue ces soldats de la Résistance.
23 sep 1944
01m 53s
Par la suite, la région est libérée en quelques jours. Le 6 août 1944, Saint-Brieuc et Vannes sont libres, le 10 août 1944 c'est au tour de Morlaix et de Quimper, le 12 de Nantes. Pour autant, des poches allemandes résistent autour des principaux ports comme Lorient, Brest ou Saint-Nazaire et il faut attendre le mois de mai 1945 et la capitulation de l'Allemagne pour que la Bretagne soit intégralement libérée.
Pendant quatre ans, la forte densité militaire allemande en Bretagne modifie le mode de vie des civils. L'aviation britannique, rejointe en 1942 par l'aviation américaine, bombarde les installations vitales pour l'armée allemande (voies de communication, garnisons, bases sous-marines, instruments de défense) et prouve que les dangers viennent également du ciel pour les Bretons durant cette période.
Remerciements du Capitaine Goering
Sur la demande du Maréchal Goering, une cérémonie présidée par son neveu le Capitaine Goering est organisée à Vannes en l'honneur de deux morbihannaises qui ont sauvé quatre aviateurs allemands de la mort.
02 jan 1942
34s
Durant l'Occupation, les Bretons sont obsédés par l'accomplissement d'actes a priori banaux en temps de paix : se nourrir, se vêtir, se chauffer ou encore se déplacer. Résultat des difficultés économiques nées de la défaite et de l'Occupation, le rationnement est instauré durablement dès l'automne 1940. Les rations alimentaires ne cessent alors de diminuer sur le marché officiel. Par exemple, la ration en viande passe en moyenne de 360 g à 120 g en 1943. Nettement moins pesantes en zone rurale que dans les grands centres urbains, les restrictions et les pénuries alimentaires sont dans tous les cas mal supportées par les populations. En temps de paix, la Bretagne est en effet une région agricole exportatrice. Mais la guerre et l'Occupation de la région provoquent d'une part l'absence d'hommes prisonniers en Allemagne, d'autre part la mise en place d'imposition sur les produits agricoles. Ces réquisitions à destination des régions les moins agricoles de France, de l'Allemagne et des occupants sont menées par le service du Ravitaillement Général créé pour l'occasion par le régime de Vichy. Ces impositions sont de fait rarement recouvertes par des agriculteurs en difficultés ou préférant vendre leurs marchandises à un meilleur prix sur le marché noir.
L'État français, par l'intermédiaire de ses œuvres sociales, s'efforce alors de soulager les difficultés quotidiennes, notamment alimentaires, des populations confrontées à une flambée continue des prix. Le Secours national, organisme chargé d'apporter de l'aide aux populations victimes de la guerre, est ainsi placé en 1940 sous la haute autorité du maréchal Pétain.
Collecte d'oeufs dans les Côtes du Nord
A l'occasion de Pâques, une collecte d'œufs a été organisée par le Secours National, au profit des enfants de prisonniers et des sinistrés. Les écoliers des Côtes du Nord se sont mobilisés. Ils ont ainsi ramassé dans les fermes 500 000 œufs.
30 avr 1943
53s
La propagande développée par l'État Français tente en vain de montrer l'efficacité des collectes de produits agricoles, notamment des œufs. Tout du moins, cette séquence de " France Actualités " datée d'avril 1943 montre la générosité et la solidarité des paysans bretons à l'égard des enfants de prisonniers et sinistrés. Mêlant compassion et humour, le journaliste en accord avec le discours officiel de Vichy développe ainsi l'image d'un monde rural breton idyllique regorgeant de denrées au service de la population citadine française. La réalité est toute autre : dès la fin de l'année 1940, les collectes en produits agricoles sont très difficiles dans la région. L'administration française, chargée du ravitaillement, est inefficace pour approvisionner convenablement le marché officiel et enrayer le marché noir. En 1943-1944, certaines communes du sud-ouest des Côtes-du-Nord boycottent même les réquisitions exigées par l'administration de Vichy. Un esprit de résistance se développe et contraint les occupants à prendre en charge la répression face aux producteurs défaillants. Pour survivre, les ménages bretons pratiquent le marché "gris" c'est-à-dire des achats sous le manteau pour leur consommation familiale. La pénurie n'est pas limitée à l'alimentation. Tous les domaines de la consommation et de la production sont concernés : les vêtements, le charbon et le carburant sont rares, les coupures d'électricité sont quotidiennes. Consommateurs et producteurs sont donc concernés par de multiples difficultés, nées des impositions allemandes.
La présence quotidienne et massive des vainqueurs dans les villes et dans un certain nombre de bourgs bretons modifie en profondeur la vie des populations. A partir de 1940, l'espace et le temps sont sous la tutelle allemande : personne ne peut échapper à la présence physique des soldats allemands, les horloges marquent l'heure allemande - en avance d'une heure sur l'heure française -, les populations doivent respecter un couvre feu alourdi au moindre incident, des laissez-passer - les fameux Ausweis - sont indispensables pour circuler et une zone interdite, large d'une dizaine de kilomètres le long du littoral, est instaurée. Ces entraves n'empêchent pas la pratique de loisirs (sport, théâtre, cinéma...) en Bretagne occupée. Malgré la censure pratiquée par l'État français, l'affluence dans les cinémas et théâtres bretons reste en effet très forte, à l'exception des séances projetant des films de propagande allemande. Les salles de cinéma et le théâtre permettent d'oublier durant quelques heures la guerre et permettent aussi de se réchauffer en hiver. Instrument de la Révolution nationale et du régime nazi, la pratique sportive augmente sous l'Occupation. Dès 1940, les municipalités bretonnes bénéficient ainsi des rares subventions de l'État pour s'équiper en matériel sportif. Le football, le cross-country, l'athlétisme et le cyclisme sont les sports les plus en vogue durant ces années. Au-delà de la propagande gouvernementale, ce regain de l'activité sportive semble bien plus s'expliquer par une volonté de se distraire et de s'extraire provisoirement d'un présent difficile. Par ailleurs, les bals nocturnes prouvent que la législation de Vichy n'explique pas tout en matière de loisirs : interdits par la loi de 1940, ils sont innombrables dans la région tout au long de l'Occupation.
À partir de 1942, au-delà des difficultés quotidiennes déjà évoquées, l'insécurité pour les populations civiles bretonnes s'accroît sur tous les plans. Cette insécurité est tout d'abord entretenue par l'occupant : l'essor des actions de la Résistance provoque un durcissement de la répression allemande à l'égard des opposants. En représailles aux actions menées contre l'armée allemande, les civils sont alors des cibles de choix (pillage des propriétés, emprisonnements, viols et exécutions). Au-delà de l'opposition occupants-résistants, l'activisme de ces derniers provoque aussi une augmentation des accrochages entre les maquisards et les populations locales. Les collaborateurs, certains membres des forces de l'ordre, certains commerçants et paysans enrichis sont ainsi dans la ligne de mire des résistants. Une autre source d'inquiétude pour les civils réside dans les bombardements aériens alliés. En effet, à partir du printemps 1943, les Alliés augmentent fortement la cadence des raids aériens en France. Si les bombardements dans les régions françaises de l'intérieur sont ponctuels, ils prennent une ampleur considérable dans les régions côtières de la Manche.
Rennes après le bombardement
La ville de Rennes, en deuil, rend hommage aux victimes du bombardement dévastateur de l'aviation américaine. Le ministre Pierre Cathala, représentant du gouvernement, prononce un discours dans lequel il apporte son soutien à la ville et aux Rennais.
08 mar 1943
02m 43s
Les Malouins connaissent ainsi les premières alertes de bombardements alliés en 1942. En mars et mai 1943, ce sont les infrastructures ferroviaires et les installations militaires de Rennes qui sont visées par l'aviation alliée. En mars 1943, les bombes alliées entraînent de nombreuses destructions dans le quartier de la gare et la rue Saint-Hélier, faisant plusieurs centaines de victimes, dont de nombreux enfants présents sur le Champ-de-Mars où se tient alors une fête foraine. La même année, les habitants de Lorient et Saint-Nazaire sont évacués tandis que les villes sont durement pilonnées par l'aviation alliée sans qu'elle réussisse à détruire les bases sous-marines allemandes. En septembre 1943 suite à plusieurs bombardements sur la cité nantaise, on compte 1463 tués et environ 2500 blessés. Malgré la propagande vichyste menée contre les alliés et la violence des bombardements anglo-américains, l'opinion bretonne ne bascule pas du côté des occupants et des collaborateurs. Nonobstant le désespoir, les traumatismes ainsi que les pertes humaines et matérielles, ces raids aériens sont pour la plupart le signe de la supériorité militaire des Alliés et d'une libération future. En 1944, les bombardements en Bretagne se poursuivent et s'intensifient, faisant des centaines de victimes. L'état d'esprit de la population civile dans la région est alors partagé entre un soutien aux Alliés et à la Résistance et l'angoisse des difficultés quotidiennes et des combats à venir.
L’appel du Général De Gaulle Le 18 juin 1940, alors que les quatre membres de la famille Gallais écoutent la radio comme à leur habitude, le Général De Gaulle, en exil à Londres lance un appel à la résistance. René Gallais reconnaît en De Gaulle le chef qu’il attendait. « Ils nous a dit :
« Les enfants, nous sommes sauvés. On a un chef. » Dans sa tête, il a tout de suite été Gaulliste. Il ne savait pas qui était le Général De Gaulle, il n’en avait jamais entendu parler. Son appel lui a plu. Il s’est dit « maintenant on va pouvoir faire quelque chose. Mes armes, elles vont servir. » Son idée était de le rejoindre à Londres mais étant blessé de la première guerre mondiale, ça n’était pas possible. Il a décidé d’agir autrement. Comme il connaissait beaucoup de monde, il a contacté des gens et il s’est dit que la première chose à faire c’était de sortir les armes et de les cacher dans la campagne. »(Huguette Gallais) Il contacte François Lebossé à Laignelet et Jules Frémont à Saint-Brice. Le groupe s’organise d’une façon militaire. Une cinquantaine de personnes en font partie. > Fonctionnement et organisation du groupe Gallais Le groupe a différentes missions : >Récupérer, stocker et maintenir en état les armes que les soldats ont jetées dans des cours d’eau au moment de la débâcle.
Ces armes sont ensuite transportées en lieu sûr, par exemple à la ferme de “La Cencerie” ; >Aider les jeunes à passer en zone libre et en Angleterre ; > Héberger les officiers de l’intelligence service ou du service de renseignements français de Londres ; >Ravitailler et organiser le retour vers l’Angleterre des parachutistes ; >Faire parvenir des renseignements à Londres par courrier ou radio sur les troupes allemandes et leurs déplacements ou sur les barrages allemands. C’est Jules Frémont qui, se déplaçant beaucoup de par son métier de transporteur, se charge de cette mission. De nombreux renseignements sont fournis par le gendarme Jagu sur les barrages des “feldgendarmes”. Les armes sont là. Il faut les cacher avant l’arrivée des Allemands. Elles sont déposées dans une tour du château, la tour du Hallay. « Tout le monde aide à mettre les armes dans la tour du château, les gens du quartier… ». (Huguette Gallais) René Gallais ne veut pas croire à l’arrivée imminente des Allemands. Lorsque Huguette lui fait part de ce qu’elle a entendu à ce sujet en tant qu’infirmière auxiliaire de la Croix Rouge, il lui dit : « Mais c’est pas possible ! On a une défaitiste dans la famille ! » Pourtant dès le lendemain, René Gallais fait visiter le château aux soldats allemands. Ils passent tout près des armes. Les soldats repartent. Ils n’ont rien vu. A la suite de cette visite, René Gallais trouve préférable de changer les armes de cachette. Il faut trouver des personnes possédant des véhicules, ce qui à l’époque n’est pas fréquent, tout ayant été réquisitionné.
C’est comme cela que sont contactés le boulanger et l’épicier. Le transfert des armes dans différents villages s’organise. Ce sont les premiers actes de résistance du groupe Gallais. > Rencontre décisive avec le Capitaine Chodet Pendant les vacances d’août 1940, le directeur de l’école Saint-Sulpice et sa femme, amis de la famille Gallais, reçoivent leur beau-frère et un de ses amis. Lors d’un dîner, René Gallais fait la connaissance d’Albert Chodet, ancien combattant de la 1ère Guerre Mondiale, capitaine et membre du mouvement de résistance “Action, Ceux de la Libération” situé à Neuilly-sur-Seine. Celui-ci propose à René Gallais une rencontre le lendemain : à partir de ce jour le groupe Gallais est en liaison avec Paris et appartient au réseau “Ceux de la libération”. René Gallais employé à la mairie (il ne pouvait plus exercer son métier de guide), fabrique de faux papiers d’identité et fournit des cartes alimentaires aux prisonniers évadés. Andrée Gallais dite “J.A.”, est toujours présente à la maison. En cas de problème, chaque membre du groupe sait qu’il peut faire passer une information par son intermédiaire. Huguette Gallais, dite “Juanita” dans la résistance, est à l’école d’infirmières à Rennes.
Là, elle appartient déjà à un groupe de résistants. Un jour, elle doit rencontrer un contact au “café des Tilleuls” à Fougères, en vue d’une mission. Elle se rend au rendez-vous et se retrouve face à son père dit “La toucheférond”. Fatiguée, Huguette Gallais abandonne sa formation et rentre à Fougères où elle intègre le groupe Gallais. Elle est chargée d’organiser les passages en zone libre (le groupe avait des contacts en Haute-Loire). Elle fait passer le courrier des Sénégalais prisonniers à Saint-Brice-en-Cogles, afin de signaler à leur famille où ils se trouvent. Elle participe également aux expéditions pour cacher les armes. Pendant un séjour à Angers, elle fournit des renseignements sur la gare et le terrain d’aviation d’Avrillé. Tour du Hallay SLe château de Fougères. Tour du Halley. Le Capitaine Chodet.R SRené Gallais lors d’une visite du château de Fougères. SHuguette Gallais en uniforme d’infirmière de la CroixRouge. SLettre d’un passeur de Haute-Loire adressée à Huguette Gallais. Par précaution, les résistants du groupe ne se connaissent que par groupe de trois. Première alerte avant l’arrestation « Un jour où nous venions de cacher des armes à la ferme de la Bouvrais, nous avons été pistés par deux gendarmes nommés par Vichy. Ils ont vu la camionnette de François Lebossé qui était sur le bord de la route, en panne. Ils viennent frapper à la ferme. Raymond Loizance, évadé de guerre muni de faux-papiers, et moi nous étions cachés derrière la porte de l’écurie, retenant notre souffle. François Lebossé qui les accueille est apostrophé :
- Qu’est-ce que vous fichez à cette heure là ? - Je viens de livrer et ma camionnette est en panne. - Qu’est-ce que vous avez livré ? Il leur montre. - Vous avez une balance ? C’est obligatoire pour livrer dans les fermes. Vous n’avez pas de balance alors suivez nous. Et les voilà qui partent vers la camionnette dans laquelle il y avait trois révolvers cachés. Voyant que la camionnette est bien en panne, les gendarmes emmènent François Lebossé à la gendarmerie. Raymond Loizance part donner le sauve-qui-peut aux différents membres du groupe. Je vais récupérer les révolvers dans la camionnette, donne l’alerte dans une ferme où des armes sont cachées et rentre à pied de Saint-Brice à Fougères. François Lebossé est relâché le lendemain. Il a juste eu une amende. Nous nous sommes cotisés pour la régler. » Huguette Gallais > 1940 : La débâcle En juin 1940, les soldats Français fuient devant l’invasion allemande. Un cousin de la famille Gallais arrive à Fougères avec son régiment.
Désespérés, les soldats commencent à casser leurs armes sur les murs du château pour que les Allemands ne puissent pas les utiliser. René Gallais, guide au château de Fougères, pense spontanément à les récupérer, conscient de leur future utilité. « La résistance chez nous, ça a été instinctif. » (Huguette Gallais) Le groupe GALLAIS> L’entrée en résistance de la famille Gallais Le groupe étant au point, René Gallais reçoit des Forces Françaises Libres de Londres l’ordre d’organiser son groupe en unité comba
Commentaires
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- 1. Soline ROFFE -GALLAIS Le 16/06/2018
http://www.france-libre.net/rene-gallais-et-ses-compagons
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