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Seconde guerre, Soldats  Résistance Française, et les autres conflits les hommes de l'ombre

Francois Perrot

François Perrot, résistant

 

François Perrot, en 2010

Résistant de la première heure, déporté qui s’attacha à faire rayonner la mémoire de ces heures sombres, François Perrot est mort à Paris le jeudi 13 octobre à l’âge de 94 ans.

Né à Strasbourg le 29 novembre 1921, il grandit dans un climat familial hanté par le souvenir de la Grande Guerre, son père comme trois autres membres de sa famille ayant pris part au premier conflit mondial. Elevé dans le culte des « grands anciens », le jeune François ne rêve que d’intégrer Saint-Cyr et de reprendre le flambeau. Aussi, adolescent, se passionne-t-il pour ce qui se joue en Allemagne, lit Mein Kampf et dévore, à sa parution en 1939, le témoignage de Hermann Rauschning (1887-1982), membre du NSDAP, le parti d’Hitler dont il s’éloigne en 1935 avant de choisirl’exil en 1936. Si, au regard des historiens, Hitler m’a dit est un ouvrage contestable, l’auteur ayant fort peu approché le Führer, pour le jeune François comme pour nombre de ses contemporains, le livre du nazi repenti, dont la parution connaît aussitôt un retentissement énorme, est un choc, dont les rééditions de 1945 et 1979, respectivement préfacées par le diplomate Wladimir d’Ormesson et l’historien Raoul Girardet, attestent l’impact.

Parisien dès l’âge de 16 ans, à l’occasion d’une mutation de son père, employé à l’Office des eaux et forêts, le lycéen doit quitter la capitale au printemps 1940, quand la débâcle militaire contraint nombre de Français à l’exode. Pour préserver les siens, le père de François opte pour Orléans, puis le petit village de Laburgade dans le Lot. C’est là, grâce aux techniciens-radio d’un détachement de l’armée en déroute, que le jeune homme écoute l’appel du nouveau président du Conseil, Philippe Pétain, le 17 juin, puis le lendemain celui du général de Gaulle. Reprenant les formules d’André Frossard et de Marcel Jullian, il se sent « gaulliste immédiat » autant qu’ « instinctif ».

Premier réseau clandestin à Gap

Si le lycéen est sommé de donner la priorité à la préparation son baccalauréat, lui se cabre : « Je suis né patriote, et dès 1939 mon devoir est de défendre la France. » Devant ce caractère peu souple, les parents reviennent à Paris avec leurs filles seulement, confiant François à une famille amie établie dans les Hautes-Alpes. C’est donc à Gap, dès octobre 1940, que le jeune homme crée un premier réseau clandestin. D’une campagne d’affichage sauvage de croix de Lorraine et de caricatures antinazies à la revendication d’une affiliation à d’autres mouvements, formant une chaîne – on ne parle pas encore de réseau –, le petit groupe d’activistes se veut maillon et prend le nom de « maillon d’Ornano », en hommage au lieutenant-colonel Jean Colonna d’Ornano tombé au Tchad en janvier 1941 lors du raid sur Mourzouk, lancé par le colonel Leclerc.

Mais à Gap, ville « trop maréchaliste » à ses yeux, rien ne semble possible. Et les lycéens gagnent Marseille pour s’embarquer et rejoindre les Forces françaises libres. Econduits au consulat des Etats-Unis, dénoncés pour leur fugue par le proviseur de Gap, ils sont arrêtés le 25 mars 1941. Pour François c’est le retour à Paris, un conseil de discipline ayant renvoyé les insoumis le 1eravril, et l’inscription au lycée Henri-IV pour préparer ce bac dont il n’a cure. Très vite, il reprend ses activités au sein de l’Ecole libre des sciences politiques avec des moyens autrement efficaces qu’à Gap, tracts, journaux clandestins…

De février 1942 à mars 1943, il participe donc activement à la Résistance intérieure. C’est ainsi qu’il contribue à l’interruption en Sorbonne, à coups de boules puantes, de la leçon inaugurale d’Henri Labroue, nommé par Vichy à une chaire d’« histoire du judaïsme » au projet raciste et antisémite, le 15 décembre 1942, événement mémorable dont le futur historien de la démographie Jacques Dupâquier, également présent, a laissé un savoureux témoignage.

Arrêté par la Gestapo

Mais bientôt François Perrot est dénoncé et arrêté de nouveau le 9 mars 1943, par la Gestapo cette fois. Interné à Fresnes, puis à Compiègne, il est déporté en Allemagne. En Thuringe, au camp de concentration de Buchenwald. Matricule 21189, il est affecté à Berlstedt, un petit village proche d’une carrière d’argile destinée à alimenter une briqueterie, il y travaille dans des conditions d’autant plus éprouvantes que le froid hivernal de la fin 1943 s’en mêle.

Ces travaux forcés n’entament pas son esprit de résistance, alimenté par sa foi et la solidarité au sein du kommando. Devant la déroute nazie sur le front russe, les pertes allemandes commandent le repli fin 1944. Perrot et ses camarades quittent Berlstedt et réintégrent le grand camp de Buchenwald. S’en suit l’épisode tragique des évacuations et des transferts. Le 6 avril 1945, par la voie ferrée, dans des wagons de marchandises à ciel ouvert, debout, serrés jusqu’à la compression, sans avoir rien à manger ni à boire, les déportés roulent vers le camp de Flossenbürg, en Bavière. Survivant à deux « marches de la mort », fort du soutien de sa foi toujours et de l’entraide entre captifs, il est finalement libéré le 15 mai.

Désormais il entame une triple carrière. Au Commissariat à l’énergie atomique, tout juste créé, où il est chef du service des relations internationales. Au service de ses concitoyens, adjoint au maire de Vaucresson, commune de l’Ouest parisien. Mais surtout infatigable champion de la mémoire de tous les combattants et déportés dont il entretient le souvenir, au sein d’associations dumonde combattant et du devoir de mémoire.

C’est ainsi que cet homme couvert de décorations (croix de guerre et médaille militaire, officier dans l’ordre national du Mérite, grand-officier dans l’ordre de la Légion d’honneur) assume la présidence de l’Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus, de 1994 à 2012, avant d’assurer celle de la Fédération nationale des déportés et internés de la Résistance, résistants et patriotes. Il a joué un rôle actif au sein des établissements d’enseignement par le rayonnement de son témoignage et la promotion du Concours national de la Résistance et de la déportation, qui maintient la flamme d’une mémoire à préserver.

 


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